Dans ce livre-phare, Thomas Kuhn introduit son propos en exprimant des doutes sur le processus d’accroissement continu des connaissances qui caractériserait le développement scientifique. En effet, celui-ci doit au contraire passer par des révolutions, quand surgissent des anomalies auxquelles les savants doivent répondre. Pour accomplir ces révolutions, ces derniers doivent lutter contre l’inertie de la science normale, qui est sous l’emprise d’une éducation rigoureuse mais rigide. D’après Kuhn, leurs recherches habituelles sont en effet fondées sur des paradigmes et s’inscrivent dans une continuation. L’auteur fournit deux premiers exemples de paradigmes, à savoir les cadres élaborés par Newton pour l’optique et par Franklin pour l’électricité.

Quand l’auteur précise ce qu’il entend par paradigme, on comprend que cela fournit un cadre au sein duquel le chercheur peut gagner en précision, en profondeur, dans un champ assez restreint et sans objectif de sortir de ce cadre. Kuhn classe les problèmes abordés au quotidien par les scientifiques en trois catégories : détermination des faits significatifs, concordance des faits et de la théorie, élaboration de la théorie. Dans cette science normale, s’attaquer à ces problèmes s’apparente à la résolution d’énigmes, exigeant de l’ingéniosité mais sans que la solution soit réellement inattendue.

Thomas Kuhn discute ensuite de l’émergence de nouveautés dans les faits ou les théories. Celles-ci sont associées à la prise de conscience d’anomalies qui contredisent le paradigme courant. Comme dans l’exemple de la découverte de l’oxygène, qui sera suivie d’une révolution en chimie menée par Lavoisier, leur paternité ou leur datation exacte est souvent très délicate.

Quand des anomalies durables débouchent sur des crises profondes, elles entraînent un changement de paradigme à la fois constructeur et destructeur. Très souvent, ces crises se reconnaissent par la prolifération de théories concurrentes.

Si l’auteur parle de changement de paradigme, c’est bien parce que la disparition d’un paradigme peut s’accompagner simultanément de l’apparition d’un second paradigme qui va remplacer le premier. C’est l’un des modes de résolution d’une crise.

Cette révolution, ou changement de paradigme, entraîne une nouvelle vision du monde. Celle-ci a en effet une portée souvent plus longue que celle de l’événement qui l’a déclenchée. Ainsi, la révolution copernicienne a entraîné l’observation de nouveaux phénomènes célestes.

La réécriture des manuels après la révolution a tendance à masquer le changement de paradigme. De là naît l’illusion d’une science qui progresse par accumulation linéaire. En réalité, elle avance par sauts souvent brutaux et nécessite parfois la disparition d’une génération de scientifiques trop habitués à l’ancien paradigme.

Laisser un commentaire